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[ACTUALITE] LE CAMEROUN EN EMOI FACE AU PROJET DE REFORME DU CODE PENAL D’ESSO

Depuis quelques jours, le Cameroun est en émoi. En effet, Laurent Esso, ministre de la justice camerounaise a proposé un projet de réforme du code pénal camerounais qui n’a pas été révisé depuis 1967.

Le code pénal camerounais ayant presque 50 ans, c’est presque sans surprise à première vue que Laurent Esso, ministre de la justice camerounaise, a proposé un projet de loi aux autorités législatives. Sans surprise ? Pour le corps des professions de la justice, l’Ordre des avocats, les organisations consulaires, les groupements d’affaire, les organisations de société civile, les organisations gouvernementales, les praticiens du droit et autres partis politiques s’en est une. En effet, tous ces acteurs du droit et du quotidien politique ont découvert le projet grâce à des connaissances dans l’assemblée nationale, qui a validé le texte, ou dans les journaux comme les autres citoyens camerounais ce 13 juin 2016. Me Jackson Ngnié Kanga, bâtonnier des avocats camerounais, dénonce un « mépris à l’égard du barreau » qui a été mis au courant de manière informelle par des députés et regrettant l’absence de consultation du bâtonnier, mais aussi de la chambre consulaire qui, selon une loi de 2001, peut être consultée lors de l’action législative. La Chancellerie, elle-même, n’avait pas connaissance de ce texte, dénonçant une « affaire entre le ministre et la direction législative ». Rappelons cependant que le gouvernement se devait d’être au courant, car avant d’aller à l’assemblée nationale, tout projet de loi doit être validé par le premier ministre.

Une fois le choc du forcing politique exercé par Laurent Esso, nous pouvons voir que la réforme du code Pénal a choqué aussi par ses lacunes, Me Jackson Ngnié Kanga ainsi que les autres avocats qui se sont réunis en assemblée extraordinaire le 15 juin, ont pu affirmer que le projet de réforme ne prenait pas en compte certains engagement internationaux pris par le Cameroun : la définition de corruption diffère de celle donnée par la Charte africaine contre la corruption ou encore les sanctions relatives aux chèques sans provision ne respecte pas celles énoncés par la CEMAC. De plus, on remarquera que certains traités ainsi que certaines conventions ratifiés par le Cameroun n’ont pas été transposés dans le projet. Mais les lacunes n’interviennent pas qu’au niveau international, le projet de réforme inclut clairement un viol de la Constitution en prévoyant l’adoption de peine par voie d’ordonnance, soit par l’exécutif lui-même. Notons que le Cameroun reste, certes, un pays à majorité francophone mais, avec une minorité d’anglophone représentant 20% de la population, il apparaît donc illogique que la version française du projet de réforme diffère de la version anglaise. Alors, pourquoi ne pas consulter des professionnels afin d’éviter les lacunes ? Tout simplement, car ce projet de réforme du code pénal est clairement fait pour le pouvoir en prônant dans son article 127 une immunité à vie pour les membres du gouvernement, article qu’un seul membre de la majorité à refuser de voter (Martin Oyono). C’est d’ailleurs le seul article du code qui a poussé le président Paul Biya a mettre son veto sur la première version du projet de réforme.

Le seul article ? Oui en effet, car il y a beaucoup à redire sur ce projet qui n’a pas été fait que pour le pouvoir, mais pour les riches en général comme le montre la répression de la mendicité dans un pays où on estimait en 2014 à 37,5% la population vivant sous le seuil de la pauvreté ou encore une condamnation à une peine de prison dans le cas d’un loyer impayé, mais aussi on omet volontairement la notion d’« enrichissement illicite ». De plus, le code ne supprime pas la peine de mort contrairement à la majorité des pays d’Afrique qui l’ont abolie ou du moins qui ne l’applique plus depuis des années, cette solution semblant archaïque aux yeux des patriciens du droit, mais aussi aux yeux de bon nombre de camerounais tout comme la condamnation de prison à vie pour un détournement de 500 000 francs CFA (soit 762,25€), sanction prévue il y a 51 ans. De plus, le projet de réforme ne semble pas s’inscrire dans la société camerounaise comme l’art. 361 sur la pénalisation de l’adultère, rappelons que le Cameroun est un pays polygame et comme le dit Deffo Oumbe Sangong, député du Social Democratie Front : « Moi je suis quand même quelqu’un qui a au moins quatre femmes… Il faut que vous sachiez que nous avons notre culture, on ne devrait pas tout copier de ce qui vient de l’Europe ». Un autre article fait débat, art. 374 bis qui renforce la politique de pénalisation envers l’homosexualité en énonçant une peine de six mois à cinq ans de prison ainsi qu’une amende de 20 000 à 200 000 francs CFA, article décrié par l’avocate Alice Nkom, militante pour les droits des LGBTQ.

A ce jour, le projet devrait passer devant le Sénat et le Cameroun reste en attente d’un code pénal qui pourrait bien changer ses mœurs sociales et renforcer des inégalités déjà bien trop présentes. Quelques jours auparavant, Joshua Osih (responsable du SDF) postait sur Facebook les mots suivants « Il faudra un changement de régime pour faire entrer le Cameroun dans la modernité », faisant une allusion au président Paul Biya au pouvoir depuis 1982, regrettant ainsi l’absence de modernité du pays sur certains aspects.

NegroNews

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